La petite histoire de Beaublanc

Des champs au Parc : les premières pierres de la fondation

À son origine le site de Beaublanc était un domaine de 35 hectares situé entre la route de Bellac et de l’Aurence. Il comprenait des surfaces cultivées, une maison bourgeoise, une chapelle et des dépendances. Au 19 ème siècle, une manufacture de cierges et de bougies s’y installa, devenant sous l’époque napoléonienne, une sucrerie. Propriété de la famille Ardant du Mas-Jambost, le site sera acheté par la Municipalité socialiste de Limoges, en 1920. Cet achat n’est possible uniquement grâce à une somme importante d’argent, en provenance du « comité de gestion du ravitaillement de la population civile », créé à l’occasion de la grande guerre. L’achat s’élève alors à 739.088 francs et trois centimes. La Municipalité y envisage la création d’une cité-jardin bon marché et ainsi qu’un grand parc. Le directeur du service architecture de la Ville, M. Brière, estimait qu’il manquait « un vaste espace où notre laborieuse population pourrait venir en bloc, y venir sans crainte d’être comprimée dans ses évolutions, prendre part à des réjouissances publiques ou, le dimanche jour de repos hebdomadaire, venir goûter au repos matériel et moral, compensateur de ses dures journées de travail ». Les paysagistes Nivet et Faure-Laurent soumettent au conseil municipal, un plan ambitieux comprenant un jardin d’agrément urbain, un espace de jeu, un casino, un stade, des cascades, ruisselets. Durant les années 1920 et 1930, le site de Beaublanc se transforme en un véritable parc. On y trouve notamment des installations sportives (terrains de Basket-Ball, Volley-Ball et Handball) et un Stade principal (pour la pratique du Football et du Rugby), le Stade Jean-Jaurès, construit en l’année 1924 (à vérifier pour l’année). Beaublanc devient en l’espace d’une décennie le lieu de nombreuses rencontres sportives et festivités marquantes.

Une équipe de football de Limoges, vainqueur d'une compétition en 1920, au Stade Jean-Jaurès (source : archive Blondeau)
Une équipe de football limougeaude commémore sa victoire, dans les années 1920, au Stade Jean-Jaurès ou au Stade Montjovis (source : archive Blondeau).

En dehors de cette réalisation municipale, les infrastructures sportives sont souvent l’œuvre, des patronages, des associations sportives ou encore des industriels. Par exemple, les terrains de sports Montjovis, sont la propriété du porcelainier américain, Ahrenfeldt. Le Red Star de Limoges en est le locataire. Durant l’entre deux guerres, malgré l’arrivée au pouvoir du Front Populaire en 1936 et du ministre des sports, Léo Lagrange (SFIO), rares sont les soutiens municipaux vis à vis des clubs sportifs.

La seconde guerre mondiale marque un arrêt soudain à l’ascension du sport… les autorités locales du Régime de Vichy, en la personne du Maire, André Faure, favoriseront surtout les regroupements des formations sportives et ne se préoccuperont pas des installations sportives. Le Rugby à Quinze, est l’un des seules sports semblant tirer profit de la situation, et surtout depuis l’interdiction du Rugby à Treize… considéré comme impur par l’État fantoche. En général, jusqu’à la libération, la disette touche le sport en Limousin.

Le temps de l’optimisme et du désenchantement

En août 1945, par délibération, la Municipalité communiste de Limoges, dirigée par le Maire PCF, Georges Guingouin, fraîchement élu, souhaite donner un nouvel élan à la ville de Limoges, à travers la construction d’infrastructures collectives. Dans un soucis d’équiper la ville en équipements sportifs « particulièrement défectueux », malgré « des circonstances économiques et notamment l’approvisionnement en matériaux de construction et la situation financière de la Ville […] ne permettant pas […] de poursuivre des aménagements multiples », le site de Beaublanc est alors choisi prioritairement. Ainsi, M. Pécaud est nommé, lors de la délibération du 7 août 1945, par la ville en tant que architecte principal. Il décide, conjointement avec la Municipalité, d’y aménager un Stade de Tennis et de Basket-Ball avec des tribunes, ainsi qu’un grand stade de football-rugby, dans la partie sud-est du Parc de Beaublanc. Commencés en mai 1946 pour le stade de Basket-Ball et de Tennis, les travaux sont terminés à la fin de l’année 1947. Le Stade de Basket-Ball et de Tennis a alors une capacité de 2600 places. Ces réalisations ne sont pas sans contestations de la part de l’opposition. Elle crie au scandale, prétextant des dépenses onéreuses et s’appuyant sur la fronde des commerçants limougeauds, omettant, l’aide financière non négligeable issue des fonds du Conseil National de la Résistance. Dans un contexte de guerre froide, lors des élections municipales de 1947, la coalition hétéroclite, composée de « réactionnaires [et des] sociaux-traîtres », dixit les rapports internes du PCF, remporte d’une courte tête face aux communistes. Un bon nombre des projets communistes seront alors abandonnés. Toutefois, le retour aux affaires de Léon Betoulle (SFIO) ne casse pas la dynamique entreprise par l’équipe municipale de Guinguoin. En ce sens, en 1951, l’ancien Stade Jean-Jaurès est remplacé par un stade de Football-Rugby, moderne pouvant accueillir plus de 12 000 spectateurs.

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Septembre 1947, le Parc Municipal et Scolaire ou plus couramment Parc des Sports de Beaublanc est pratiquement terminé (source : Bulletin Municipal, N°3, septembre 1947).

Toutefois, à ce moment, notre sport est orphelin d’une grande « salle couverte » municipale. Malgré les charges répétitives d’Albert Chaminade, secrétaire départementale de la FFBB, elle ne suffiront pas à convaincre la municipalité SFIO de construire cet outil dont le Basket-Ball local a tellement besoin… La ville de Limoges se contente alors de l’ancienne usine à chaussures, acquise en 1946, faisant alors office de salle de sports, située, Rue des Sœurs de la Rivière. Chez les patronages, seul, La Martiale, a la chance de disposer d’une salle, la salle Guynemer. Se faisant, le besoin d’une salle couverte n’était plus d’actualité, même si le projet d’une «  grande salle couverte » reste bien au chaud dans les cartons de la mairie.

Le projet d’un Palais des Sports refait à nouveau surface en 1955. À l’initiative d’Albert Chaminade, une proposition visant à recouvrir le Stade de Basket-Ball de Beaublanc, avec 4000 places, est proposée… les projets de salubrité publique étant prioritaires… la demande est rejetée aux calendes grecques. Nouveau rebondissement, lors de la séance du 4 mai 1956, le conseil municipal vote « presque à l’unanimité » une somme de 42 millions de crédits pour l’édification d’un Palais des Sports. En juillet 1957, le Palais des Sports se précise. Un site est choisit… il s’agit du Jardin d’Orsay ! Les derniers restes de l’amphithéâtre romain devront disparaître au profit d’une arène moderne pouvant accueillir 3500 à 4000 spectateurs. Une insulte à l’histoire de la Cité, un bon en avant pour le sport limougeaud et le Basket. L’édification du Palais des Sports ne se fera pas comme en témoigne la correspondance entre le nouveau Maire, Louis Longequeue et le Président de Ligue du Limousin de Basket-Ball et Vice-Président de la FFBB, Albert Chaminade. Le Maire s’explique dans une lettre adressée au meilleur ambassadeur du Basket Limousin, datant du 29 août 1957 : « le financement [du Palais des Sports] s’en révèle difficile du fait que tous les établissements de crédits contactés jusqu’à maintenant, nous ont fait connaître que des instructions récentes leur interdisent de consentir des prêts pour des projets d’édification de bâtiments à usage de sports. D’autre part et toujours pour des raisons d’insuffisance de crédit, le projet de construction scolaires de Montjovis a été scindé en deux parties par le Ministère de l’Éducation Nationale […] étant donné l’urgence de nos besoins scolaires, l’édification de nouvelles classes sera faite en priorité. ». Ainsi, la priorité est donnée avant tout à l’éducation mais également, à l’éradication des quartiers insalubres, comparables à ceux de Marseille. Les équipes sportives peinent à trouver leur place, notamment pour celles qui ambitionnent le haut-niveau. La politique sportive de la ville reste bloquée… certainement par manque d’ambitions et de visions sur le long terme. Au milieu des années 1960, c’est également le sentiment de jeunes limougeauds à travers une lettre alarmante, adressée, au Maire de Limoges, Louis Longequeue pour lui alerter de la situation du sport local et s’expriment ainsi : « C’est pourquoi nous pensons que les municipalités devraient prendre la défense de leurs équipes auprès de l’état, demander des réformes car après tout, le sport est un domaine qui mérite autant d’égards que tout autre. Malheureusement, on a parfois tendance à le placer au second plan. C’est pourquoi aussi, nous pensons qu’il serait inutile, et même nuisible de condamner le football à Limoges. ». Un cri d’alarme qui souligne les nombreuses équipes de haut-niveau présentes dans la capitale limousine.

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Le Parc des Sports de Beaublanc au milieu des années 1960 (source : archive Blondeau).

À cette époque, les footballeurs du Limoges Foot caracolent en tête de la deuxième division, jouant même quelques saisons en première division à la fin des années 1950. Le Basket-Ball s’est trouvé quant à lui, un ambassadeur de poids, l’ASPTT Limoges, évoluant en Nationale 2, puis en Nationale 1 (de 1965 à 1967). Le rugby quant à lui est sur la phase descendante dans les années 1960, tout en restant populaire dans la cité ouvrière. Jusqu’au début des années 1970, la politique sportive de Limoges restera figée dans une conception du sport, bien propre à la philosophie du mouvement sportif socialiste d’avant-guerre.

Des premières véritables intentions à la construction du Palais des Sports de Beaublanc

En 1975, le club de Basket-Ball limougeaud, le CSP Limoges, accède au deuxième échelon national français de Basket-Ball. L’équipe du Cercle Saint-Pierre, acquiert une solide réputation dans la cité porcelainière. L’ambition des dirigeants est d’atteindre sous peu, l’étage supérieur, la Nationale 1. L’Écho du Centre, du 3 mars 1975, met en évidence le fait que « la capitale régionale du Limousin qui peut se targuer d’avoir un très beau stade, ne présente pas à côté, pour les clubs sportifs une salle digne d’intérêts ». Par ailleurs, le journaliste du quotidien communiste, Jean-Jacques Montaudon, évoque le cas du Limoges CSP qui évolue dans « une salle complètement dépassée, même si le sol a été refait », au cours de l’année 1975. La Salle Municipale des Sœurs de la Rivière n’attire qu’une poignée d’habitués et les familles des joueurs. Elle accuse selon les personnes interrogées par l’Écho du Centre, d’un manque criant de confort et de places de parking aux alentours.

En 1976, suite à la revendication, en séance, d’un conseiller municipal, la Ville de Limoges envisage l’inscription au VIIe plan, la construction d’« un palais des sports ». Deux après l’article de l’Écho du Centre, en 1977, le quotidien, Le Populaire du Centre, alerte pour sa part, après une rencontre de Nationale 2 opposant le CSP Limoges à la JA Vichy, l’étroitesse de la Salle Municipale des Sœurs de la Rivière. Selon le journaliste Pierre Jack, «les dirigeants [du CSP Limoges] entendent doter Limoges d’une équipe de nationale 1, mais pour ce faire il faudra des installations appropriés». Finalement, en 1978, le Conseil Municipal décide d’implanter au VIIe plan, un « Palais des Sports », à l’emplacement de l’ancien Stade de Basket-Ball, abandonné depuis le début des années 1960. Le 14 juin 1979, la Ville de Limoges fait un appel de candidatures pour la construction du « Palais des Sports et des Fêtes de Beaublanc ». Les travaux envisagés s’élèvent à 20 millions de francs. L’architecte M. Rauby est alors choisi. En octobre 1979, les premières maquettes sont dévoilées. Cette maquette montre une salle volumineuse sous sa voûte en bois composée de bois de chênes et de pins, pouvant accueillir plus de 8000 spectateurs et comportant par ailleurs des espaces de réceptions et des bureaux. Toutefois, suite à des contraintes budgétaires, les espaces de réceptions et les bureaux ne figureront plus dans les plans architecturaux. Le Palais des Sports sera réduit, à une capacité de 4000 places assises et 2000 places amovibles.

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La maquette du futur Palais des Sports de Beaublanc (source : Populaire du Centre, 1979).

Les premiers travaux débutent en mars 1980. Le 1er septembre 1980, Le Populaire du Centre, montre la construction des gradins est «bien avancée» par l’entreprise Socea-Balency.

Populaire du Centre, 1er septembre 1980
Les travaux avancent rapidement comme le montre cet article du quotidien régional, Le Populaire du Centre (source : Le Populaire du Centre, 1er septembre 1980).

En février 1981, la charpente en bois du Palais des Sports de Beaublanc composés de « 7 éléments de 46 m de long, [et d’]un poids total de 120 tonnes » en provenance de Sancy-sur-Meurthe (Vosges), sont arrivés au Parc Municipal de Limoges.

Vivre à Limoges, avril 1981, n°6
Le Palais des Sports reçoit les premières pièces de sa voûte en bois des Vosges (source : Vivre à Limoges, avril 1981, N°6).

Après quelques mois de travaux, l’inauguration officielle a lieu le 28 novembre 1981, à l’occasion de la rencontre opposant Limoges à l’AS Villeurbanne, en la présence du Ministre de la Défense et Maire de Villeurbanne, Charles Hernu. Le Palais des Sports de Beaublanc demeura jusqu’à l’ouverture du Palais des Sports Omnisports de Paris-Bercy, en 1984, la plus grande salle de Basket-Ball de France. Trente-quatre ans plus tard, le Palais des Sports de Beaublanc est toujours là, son public toujours aussi bouillant et le débat d’une « grande salle » est relancé après l’élection du Maire UMP, Roger Lombertie. Le Palais des Sports de Beaublanc est jugé comme désuet et petit… Beaublanc restera t-il l’antre du Limoges CSP, à l’horizon 2020 ?

Vivre à Limoges, novembre 1981, n°8, 2
Le Palais des Sports de Beaublanc, depuis les années 1980 est un haut-lieu du Basket-Ball Français (source : Vivre à Limoges, novembre 1981, n°8).

20 réflexions sur “La petite histoire de Beaublanc

    1. Merci Blutch, tout à fait, à ce propos, cet article est aussi là pour relancer le débat sur l’agrandissement de Beaublanc. Si il était prévu au départ plus de 8000 à 9000 places, c’est bien que dans les plans actuels on peut trouver une solution… à moins que ça soit le défit de l’arche en bois qui pose problème… n’étant pas architecte, il me serait difficile d’être affirmatif quant à savoir la faisabilité du projet d’agrandissement.

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      1. Blutch

        Je ne suis pas architecte non plus mais j’ai fais des études en mécanique théorique et c’est sur que les poutres en bois sont aussi belles que contraignantes. Ces poutres sont les clés de voutes de toute a charpente. Donc il serait à mon sens très compliqué d’ajouter des tribunes plus grande derrière les paniers.

        Après, il y a aussi la solution proposé par Fondation Ingénierie Numérique qui consiste à creuser le sol pour gagner en capacité (environ 7500 places) et ajouter des espaces VIP. L’idée est intéressante pour un budget raisonnable (22M€), mais je ne vois pas trop comment ils font pour faire entrer des engins de chantier pour creuser le sol!
        http://www.foundation-ilb.com/reference/rehabilitation-palais-des-sports-a-limoges/

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  1. Poldy

    Bravo ! Beau travail de recherche. Une petite précision : le Palais des sports et des fêtes a bien été inauguré, à l’occasion de la rencontre qui opposait Limoges à l’AS Villeurbanne, par Charles Hernu ministre de la Défense mais également maire de Villeurbanne.

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  2. Chaleman

    Un grand Monsieur Albert Chaminade (1912-2009), au fort caractère et il en fallait qui aura été digne sportivement il est le pionnier de se palais qu’on le veuille ou non c’est lui qui a insister auprès des municipalités limougeaudes de bord communiste ou socialiste a se que beaublanc soit ça se qu’on connait. Plusieurs refus mais le travail paye et le résultat compte.

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